Qu’est-ce que le chamanisme ? A quoi ressemble-t-il ? Comment le reconnaitre ? Nous sommes
nombreux à nous poser ces questions, et certains voyagent très loin pour espérer rencontrer un
« vrai » chaman. Un chaman qui ressemble aux photos que l’on voit venant de contrées exotiques et
plus tribales que chez nous, en Occident. Je ne prétends pas répondre à toutes les questions qui
m’ont amenée à introduire cet article, mais je souhaite apporter ma contribution au milieu de ce
qu’il me semble être, à la fois une grande confusion, et à la fois un énorme commerce.
Nombreux sont ceux qui, dans leur quête, ont donc rencontré des chamans amérindiens, des
chamans d’Amérique du sud, de Mongolie etc… Encore plus nombreux sont les nouveaux chamans
d’Occident, qui intéressés par la spiritualité (en majorité amérindienne) s’auto-proclament chamans,
ayant suivi une formation ou un stage de chamanisme. Parfois même ayant étudié dans une « école »
décernant des diplômes de chamanisme. Certains parmi eux, ont même eu l’honneur d’être
reconnus « chaman » ou « chamane » par des chamans issues de lignée et de tradition pure, qui ont
vu en eux une de leurs anciennes incarnations. Pourquoi pas…
Et comment pourrais-je parler du chamanisme moderne sans aborder la question du tambour ! Le
tambour qui est vendu sur internet ou même fabriqué lors d’un atelier, utilisé à toutes les sauces, et
sans véritable conscience. Avez-vous déjà vu une photo de chamans modernes sans son tambour ?
Moi non. A croire que cet instrument magique permet de tout soigner et de tout nettoyer, c’est la
réponse à tout. Un peu de tambour et ça repart ! Que le son du tambour soit joué par un canal pur et
conscient ou non. Que l’on sache de quel animal provient la peau qui orne notre instrument ou non.
Que l’on ait réussi à se connecter à l’esprit du tambour ou non.
Le but de cet article n’étant pas d’établir seulement une critique du chamanisme « moderne » mais
plutôt d’apporter des éléments de réponses à une question telle que qu’est-ce qu’un chaman et
qu’est-ce que le chamanisme, je n’irai pas plus loin.
La réponse que j’apporte est bien entendu sans surprise pour les êtres un peu connectés : il n’existe
bien entendu pas un mais DES chamanismes. Etant enraciné dans l’Animisme, le chamanisme est
présent sur tous les continents et dans chaque région, car il tire sa puissance du lieu dans lequel le
chaman, qui est un CANAL, se trouve. Les esprits des lieux, les arbres, les rivières, les lacs, les
montagnes… Certaines cultures, comme celles d’Occident, ont été coupées de leurs lignées
ancestrales et de leurs sages, afin d’imposer un système économique patriarcal-capitaliste et d’ériger
la pensée technico-médicale comme seule vérité. Si bien que la transmission chamanique pure et
primitive a été coupée. Les guérisseurs et les sorcières ont été traqués, assassinés, brûlés, noyés,
torturés; les rituels animistes et païens interdits. C’est pour cela que nous rencontrons beaucoup
d’âmes qui souhaitent se reconnecter à la tradition chamanique, aux éléments et bien sûr à eux-
mêmes. Quoi de plus facile que la tradition amérindienne ou mongole, quand nous ressentons cet
appel intérieur, qui elles sont vivantes en termes de lignées de sang. La spiritualité est un besoin
humain, une nécessité. Un être humain sans foi est comme un enfant sans parents ou sans famille, il
erre sur terre sans repères, et sans but.
Cela dit, la connexion à son tambour est le travail d’une vie, car il évolue en même temps que le chaman.
C’est en quelques sortes le destrier du chaman.
C’est ainsi que nous sommes témoins de l’essor de la tendance spirituelle, et la mode du
chamanisme moderne. Sauf que j’affirme aujourd’hui que le chamanisme moderne qui est enseigné
dans les stages, formations et écoles, est un chamanisme anthropologique et non un chamanisme
primitif. Je m’explique: le chamanisme anthropologique se base sur des connaissances et des savoirs.
Par exemple, on enseigne la roue de médicine avec des dispositions en lien avec les directions (Nord-
Sud, Est-Ouest), on active telle ou telle porte et on invoque tel animal qui correspond à chaque
direction. On enseigne des rituels bien précis, qui deviennent de plus en plus complexes et subtils au
fur et à mesure que la personne avance sur son chemin d’apprentissage chamanique. On travaille
avec le loup, l’ours, l’aigle, le faucon, le cerf etc… On utilise des plumes, des hochets et des tambours.
On chante des chants amérindiens, on se peint le visage, on met des bijoux ethniques, on se déguise
en chaman. En réalité, on reproduit ce que l’homme blanc a vu lorsqu’il est arrivé en conquérant
prétentieux dans toutes ces contrées beaucoup plus tribales et non industrialisées que l’Occident de
l’époque. On apprend ce dont l’homme blanc a été témoin lors de rituels chamaniques, et une petite
partie de ce qui est perpétué dans les véritables lignées chamaniques actuelles.
Le chamanisme primitif lui est un chamanisme pur, qui peut tout à fait se passer de rituels et
d’apprentissages établit. Il est un enseignement permanent, en initiation par les esprits et non par les
livres. Le chamanisme primitif se passe d’objets, de drogue et de cadre (oui même de tambour !). Il
est profondément connecté à la terre sur laquelle se trouve le chaman. Il se passe également de
lignées de sang, et se dévoile à l’individu comme un appel, comme un devoir. Les esprits ou guides
l’initient à sa vraie nature et même le forcent s’il ne veut pas voir qui il est. C’est un don qui ne
s’apprend pas ni lors d’un stage, ni lors d’une formation, ni même après 20 ans ou 30 ans d’école de
chamanisme. Le chaman devient donc un canal, par lequel passe les énergies de guérison et les
informations. Il vit entre les plans et ceux-ci le traversent, en lien avec les âmes qu’il accompagne, sans chercher à tout comprendre, à tout nommer, à tout catégoriser, à tout structurer. Le chaman primitif est guérisseur, nettoyeur, médium, passeur d’âme et élève/enseignant.
Le chamanisme primitif est toujours juste, car il puise sa force dans l’instant. Il est connecté avec l’ici
et le maintenant. Il demande aussi de la part du chaman et donc du canal, de celui ou celle par qui les énergies passent, qui « prête » son corps et sa connexion en quelques sortes, une grande confiance
et un grand lâcher prise. Mais je crois que l’aspect principal est aussi un grand discernement afin de
ne pas se laisser emporter ni de se perdre entre les mondes. Le chamanisme primitif se réinvente
constamment, il n’est pas figé ni explicable, c’est une essence, un cheminement. Il peut se
transmettre de génération en génération, mais peut aussi tout simplement se révéler à un être. Le
chaman ou la chamane sont choisis par le monde invisible, il n’est pas en recherche, cela vient à lui
ou elle.
En cela, le chamanisme moderne que l’on peut étudier et apprendre, que je nomme chamanisme
anthropologique est foncièrement différent du chamanisme primitif. Les deux n’enracinent pas leurs
puissances dans la même énergie. L’un puise sa force dans les enseignements et traditions établies et
dans un cadre précis ; l’autre s’anime et tire sa puissance dans l’instant, et au besoin, porté par la
connexion directe au monde des esprits. L’un se vit dans le rituel et l’autre dans la connexion directe.
L’un se comprend et donc peut être mentalisé, l’autre se vit en trance, il est ressenti, expérimenté,
sans contrôle et parfois sans explications avec des mots humains.
Vous l’aurez compris, je pratique ce que je nomme, pour apaiser le besoin de compréhension et de
catégorisation du mental, le chamanisme primitif. En réalité, c’est une connexion, un don, une essence,
une ouverture, c’est là et puis c’est tout. C’est là pour être au service de l’humanité, et faciliter la
guérison et l’élévation des êtres dans leur reconnexion à eux-mêmes et à leur propre pouvoir, sans béquilles. C’est la confiance de se laisser envahir par la magie de l’invisible qui réside en nous, le
courage de revenir au fond de soi, dans l’authenticité.
A chacun donc de choisir la voie qui l’appelle, ou plutôt de l’expérimenter.
Sincèrement,
Seva